A Bruxelles et en Wallonie, construire « passif » deviendra bientôt une obligation
En 2015, toute construction neuve à Bruxelles devra être passive. En Wallonie, l'obligation prendra acte deux ans plus tard, en 2017. Dès lors, autant s'informer sans plus tarder sur un domaine encore nébuleux pour beaucoup d'entre nous.
Une maison passive construite sur les hauteur d'une vallée des Fagnes |
L'un est architecte et a fait ses études à Saint-Luc à Bruxelles ; l'autre est ingénieur civil et a usé ses culottes à l'Université Catholique de Louvain. Ensemble, Benoît Vanden Breede et Jean-Paul Janssens ont fondé en 2001 « Responsible Young Architects », une SPRL chargée de promouvoir des projets d'architecture passifs (ou basse énergie). Dans leur bureau de Bruxelles, il leur arrive encore souvent de voir défiler des architectes qui ont besoin de conseils pour se lancer dans ce genre de construction. « Nous sommes un peu les emm… de service car nous les obligeons à augmenter les dépenses, ce qui réduit leur marge bénéficiaire…, sourit Jean-Paul Janssens. Mais dans l'ensemble, ça se passe bien… »
C'est que le concept est encore nouveau dans les mentalités en Belgique. « Il nous a été imposé par les réglementations européennes, explique ainsi notre interlocuteur. Une dynamique est en route, c'est incontestable, et elle oblige tout le monde à aller très vite. Les softwares informatiques se perfectionnent de jour en jour. Et puis, le passif deviendra bientôt une obligation puisque toute nouvelle construction à Bruxelles devra être passive à partir de 2015. Pour la Wallonie, ce sera à partir de 2017. »
Nous y viendrons donc tous un jour mais en attendant de comprendre toutes les subtilités de ces maisons de demain, une bonne information peut s'avérer cruciale. « Dans une maison passive, la ventilation mécanique contrôlée est prépondérante, poursuit Jean-Paul Janssens. Mais elle doit être entretenue. Tous les deux ou trois mois, il y a des filtres à nettoyer en fonction du degré de pollution et de l'endroit où l'on habite sinon une maison passive peut devenir malsaine. Ce n'est pas compliqué à faire mais les gens sont-ils prêts pour ça ? »
Autre critique qui revient souvent lorsqu'on parle de maison passive : puisque la température est régulée en permanence, mieux vaut ne pas ouvrir les fenêtres pour ne pas dérégler tout le système. « On peut continuer à ouvrir les fenêtres mais ça refroidira, ou réchauffera la maison, insiste-t-on chez les jeunes architectes responsables. Le fait est que dans une maison passive, le besoin de les ouvrir ne se fait absolument pas ressentir. C'est un argument finalement plus psychologique qu'autre chose. »
Pour Benoît Vanden Breede comme pour Jean-Paul Janssens, le doute n'est plus permis : nous devons tous construire demain des habitations passives ou très basse énergie. « Le but est de ne plus dépenser d'énergie fossile pour se chauffer, c'est tout de même un concept formidable, vous ne trouvez pas ?, disent-ils en chœur. Ce serait idiot de construire encore de manière traditionnelle car pourquoi se priver d'un logement où le chauffage est inutile, ou presque. Si l'on peut se contenter d'une simple chaufferette pour un appoint de chaleur épisodique, pourquoi refuser ? »
Reste que les coûts d'une maison passive sont plus élevés. Et le portefeuille, c'est encore ce qui motive le plus les candidats bâtisseurs qui ont parfois du mal à se placer dans une réflexion à long terme. « Le passif aujourd'hui ne coûte que 10 à 15 % plus cher, tempère Jean-Paul Janssens. Et cette différence va se réduire avec le temps car les façons dont on construit vont encore fort évoluer. »
La Plate-forme Maison Passive organise une visite de maisons passives le 13 novembre. Infos : www.maisonpassive.be
Raphaël Tilman Watermael-Boitsfort:
« On a emménagé en mars 2010. On a rénové l'habitation deux façades de la grand-mère de mon épouse. Aujourd'hui, on paie 400 euros de chauffage par an, moins que pour le téléphone ! Lorsqu'on va dormir chez des amis, on retrouve des sensations inexistantes chez nous : les courants d'air, le froid devant les fenêtres… On est convaincu du passif à 100 %. Mais il y a des aspects négatifs, comme devoir s'habituer à une température constante d'environ 20 degrés, même la nuit, ce qui est difficile. Mais on ouvre les fenêtres, comme tout le monde. Aussi, le bruit de la ventilation – semblable à une climatisation d'hôtel – peut devenir gênant. Il peut aussi être difficile de trouver les bons entrepreneurs. C'est finalement une question de choix : on a préféré d'abord investir dans l'isolation, on terminera l'intérieur par la suite. »
Nicolas Rossion Gembloux:
« Nous vivons dans notre maison depuis un an et demi et la question qui revient souvent concerne l'aspect financier. Nous avons calculé que le passif entraînait un surcoût de 10 %, amorti sur 15 ans. Mais il ne faut pas négliger la question du confort. Pour nous, il serait désormais inimaginable de retourner vivre dans une habitation normale ! Aussi, nous avons utilisé des matériaux écologiques, car le respect de la santé, cela n'a pas de prix. Puis les primes permettent de rentabiliser plus rapidement. Le problème, c'est que l'on ne reçoit ces avantages financiers qu'après un an et qu'il faut donc avancer l'argent. Tout le monde ne peut pas se le permettre. Peut-être faudrait-il mettre en place un système où l'on reçoit les primes plus tôt ? Sinon, je ne vois pas de gros aspects négatifs. »
Gilbert Andernack Aubel:
« Au départ, notre projet de rénovation n'atteignait pas les normes passives, mais nous nous sommes motivés au fil des travaux pour y parvenir. Il y a 5 ans, il était difficile de trouver des entrepreneurs spécialisés, mais ces techniques se sont popularisées aujourd'hui. Pour nous, il n'y a aucun aspect négatif. On dépense entre 160 et 180 euros de pellets par an pour chauffer une famille de 5 personnes ! Mais c'est vrai qu'il faut faire l'effort de “gérer” sa maison. Prévoir de rallumer le chauffage lorsqu'il va faire très froid, par exemple. On vit davantage au même rythme que l'habitation, mais c'est nous qui avons fait ce choix. Et, contrairement à ce que l'on entend souvent, bien sûr que l'on peut ouvrir les fenêtres quand on en a envie ! Cela n'a pas beaucoup d'utilité en hiver, mais on le fait en été. »
Marc Thibaut Nivelles:
« Nous sommes en train d'installer le système de ventilation et habitons la maison depuis 3 mois. Nous n'avons donc pas beaucoup de recul. Jusqu'à présent, la température oscille entre 19 et 21 degrés, parfois 23 les jours de chaleur. On doit encore installer un système pour limiter la quantité de soleil qui pénètre dans les pièces. Il faudra voir en hiver. On a tout de même installé deux radiateurs électriques. J'avais aussi peur que l'air soit parfois trop sec, donc on a opté pour des briques en argile plutôt qu'en terre cuite et cela semble fonctionner. La différence avec le passif, c'est qu'il faut bien réfléchir au moment de concevoir la maison, par exemple pour savoir où faire passer le système de ventilation. On ne peut pas confier ce genre de projet à un architecte qui n'aurait pas développé cette approche. »
Christian Capart Saint-Servais:
« Je suis architecte et je partage depuis longtemps l'idée qu'il faut changer la façon dont on consomme l'énergie. Au départ, j'avais opté pour une rénovation basse-énergie puis, de fil en aiguille, je me suis dirigé vers le passif. Il a fallu aller plus loin dans la réflexion. La première fois, on ne sait pas trop où l'on va, mais après les questions ne se posent plus. Il est vrai que les possibilités sont réduites, par exemple pour les châssis. On ne trouve pas n'importe quel modèle et, faute de forte demande, il existe peu de fournisseurs belges. Mais, en même temps, on ne trouve pas de produits médiocres et on ne fait pas de choix que l'on regretterait plus tard. L'investissement de départ est plus important, mais si on ne le fait pas au début, c'est très difficile de réaliser des modifications par la suite. »
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